Strasbourg en l'An 8

NOUS GARDERONS NOTRE MUR !

Adossés, Protégés, Accessibles

Le chagrin causé par la coupure d’avec le beau pays dont nous parlons la langue, où beaucoup d’entre nous ont gardé des attaches familiales ou amicales, ne doit pas nous empêcher de nous féliciter de la sagesse de la décision prise il y a quatre ans, juste équilibre entre la fermeture nécessaire et l’ouverture idéale.

Pour commencer, nous avons un immense avantage sur les villes protégées de la Côte d’Azur : la proximité de notre grand voisin bienveillant. Trois-quarts de mur en plexiglass et au nord-est, l’immense débouché du Rhin. Cependant, adossés à l’Allemagne, nous ne sommes pas pour autant complètement fermés à notre ancien pays. Nous pouvons reprendre à notre compte, à ce sujet, le fameux slogan des démocrates-chrétiens : les mutants, pourquoi pas ? la mutation, jamais ! Le seul vrai but du mur est de nous protéger de la mixture. Nous n’en sommes donc pas à faire tester les entrants, comme à Colmar qui semble en train de verser dans une paranoïa qui n’a rien à envier aux vociférations de Ludwig Schwartz, et en découle d’ailleurs peut-être ! Une bonne fouille au corps suffit.

Le temps passé dans le sas est incompressible : une demi-journée pour le passe visiteurs ouvrant droit à 48 heures pour profiter du calme, des rues fleuries et voir sonner l’horloge astronomique, une dizaine de jours dans un hôtel de la zone-tampon contre la chance de pouvoir s’installer, temps d’enquêter sur le passé et la motivation des postulants. Ces formalités administratives et la confiscation des armes sont calibrées pour nous permettre à la fois de garder contact avec la France et de préserver intacte la vie d’avant l’an zéro. Ce que nous souhaitons tous.

 

 

Notre Prospérité

Pour répondre à un esprit chagrin, celui d’Amédée Schaeffner, conseiller municipal d’opposition, qui a récemment déclaré que « L’économie de Strasbourg est sous perfusion »…

On pourrait rétorquer que l’identité économique de Strasbourg est d’être une ville allemande, la capitale régionale du Lander des deux rives du Rhin, que les échanges commerciaux continus qui traversent le pont de l’Europe dans les deux sens sont aussi naturels que la circulation du sang dans un même organisme.

Inutile cependant d’aller jusque-là : économiquement, Strasbourg a son autonomie et sa raison d’être. Voyez ses commerçants, ses touristes allemands, ses oligarques serbes, les riches Niçois qui arrivent par jet privé. L’administration du Mur a remplacé celle de l’UE. Voyez les sièges des grandes entreprises alsaciennes, pilotées au calme et à distance. Nous sommes et resterons une ville libre et une ville riche.

L'Indépendance en Héritage

Chacun sait que la question de notre indépendance politique sera posée dans les mois qui viennent et que, fidèle à ses propres principes démocratiques, l’Allemagne reconnaît notre droit à l’autodétermination.

Ne nous y trompons pas : la campagne du référendum pour ou contre le rattachement a déjà commencé de façon larvée et insidieuse. Trop de gens vous expliquent aujourd’hui, la bouche en cœur, que Strasbourg a été allemande plus longtemps qu’elle a été française, qu’il serait donc naturel qu’elle revînt dans le giron qui l’a vue grandir.

Il est temps de rétablir les faits. Durant la majeure partie de son histoire, Strasbourg n’était ni française ‒ caractéristique d’un lointain pays étranger ‒ ni allemande ‒ une identité qui n’existait même pas ! Strasbourg était VILLE LIBRE qui se gérait selon ses propres lois et se protégeait déjà contre certaines intrusions. Celles des juifs à l’époque, un mauvais choix ; celles des mutants aujourd’hui, c’est bien plus logique.

Nouvelles d'Outre-Rhin

Inquiet de la baisse significative des naissances, le gouvernement démocrate-chrétien relance sa politique nataliste. Une allocation substantielle, véritable salaire maternel, sera versé aux femmes qui renoncent à leur emploi pour devenir mères.

Une collaboration accrue avec la Serbie. On connait la proportion d’étudiants serbes dans les Universités allemandes. Affrétés par Myzon, des trains de jeunes travailleurs volontaires viendront bientôt de Serbie apporter aux usines allemandes une main d’œuvre utile pour rapporter ensuite chez eux le savoir-faire allemand.

Ludwig Schwartz, le turbulent leader du parti d’extrême-droite Deutsch und Rein, a déclaré devant ses partisans réunis à Stuttgart : « Être neurotypiste est une gloire pour tout bon Allemand. Les mutants sont la seule vraie race inférieure ; ils se sont dégradés eux-mêmes pour devenir des sous-hommes. » C’est oublier un peu vite les malheureux qui aux alentours de l’an zéro avaient consommé des Omasanty sans pouvoir imaginer les conséquences…

De l'Autre Coté du Mur...

Même si, faute de tests systématiques, il n’y a pas moyen de connaître la proportion de mutants dans la société française, les faits parlent d’eux-mêmes : ils sont trop nombreux pour une vie normale. Plus de police, plus d’administration, plus d’écoles, plus de moyens de transport… Il faut le dire, même si nous en avons le cœur navré : le territoire français reste plongé dans le chaos. Certains, dont le jeune philosophe David Stourbe, affirment qu’on se porte très bien comme ça : très peu pour nous. D’aucuns s’en font même gloire et prétendent qu’ils ne sont plus des mutants mais des « libers » : libérés de la possibilité de vivre en paix et en sécurité ?