Isabelle Cani déballant la première livraison de son livre.

Pourquoi et comment j’ai écrit les Indociles tomes I et II

Puisque tout voyage grand ou petit commence par un pas, le premier pas de l’aventure des Indociles, je l’ai fait en juin 2016 dans le magasin Leclerc de La Pardieu à Clermont-Ferrand.

J’étais en train de découvrir le thème et les œuvres que j’allais avoir au programme de mes prépas scientifiques en 2016-2017, « Servitude et soumission ». Je déambulais avec mon caddie en songeant au Discours de la servitude volontaire du jeune La Boétie, que je venais de lire. Jusque-là, j’avoue que je ne savais de lui que ce qu’on peut savoir en lisant le Lagarde et Michard : qu’il avait été le meilleur ami de Montaigne, que ce dernier avait dit à son propos « parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Je n’en revenais pas, ce jour-là, de penser à cet adolescent impertinent qui en plein XVIe siècle avait écrit avec tant de culot que pour faire tomber n’importe quel pouvoir, il n’y avait pas besoin de se rebeller contre lui ; il suffisait tout bonnement de cesser d’obéir. « Je ne veux pas que vous le poussiez ou l’ébranliez, mais seulement ne le soutenez plus, et vous le verrez, comme un grand colosse à qui on a dérobé sa base, de son poids même fondre en bas et se rompre », écrivait-il.

Sur ce, je me suis retrouvée au rayon des fruits et légumes en train de fixer le panneau surplombant un amas de cerises bon marché : « Cerises France Belgique ». Je me suis d’abord représenté un verger qui avait le malheur de s’étendre juste sur la frontière franco-belge, puis un grossiste bourré qui ne savait plus où il avait fourré ses caisses, et je me suis dit aussitôt que ce serait moins absurde qu’un système consistant à mélanger les cerises françaises aux cerises belges par pure perversité, pour nous empêcher d’acheter local. J’ai imaginé un monde vengeur où les clients répliqueraient par leur propre panneau : « Si vous n’êtes même pas foutus de savoir où vous les avez cueillies, pourquoi est-ce qu’on devrait les acheter ? » Et bien sûr, si on partait par là, il y avait bien d’autres choses à cesser de soutenir que les cerises franco-belges…

Cela aurait dû être un de ces rapprochement bizarres qui vous traversent l’esprit : La Boétie contre la société de consommation. Et pourtant, l’idée s’était logée dans ma tête et ne m’a plus quittée. Que faudrait-il pour appliquer aujourd’hui le bon conseil de La Boétie ? Pour que tous, sans concertation, aient inopinément le réflexe de cesser d’obéir, il faudrait au moins une mutation dans le cerveau supprimant la notion même d’autorité… qui, quand on y réfléchit, est parfaitement absurde : pourquoi un autre saurait-il mieux que nous ce que nous avons à faire ? Le réflexe de soumission, irrationnel ‒ il peut même pousser à obéir docilement à des gens qui vont vous tuer dans les minutes suivantes, leur faisant ainsi gagner du temps et de l’énergie ! ‒ nous est dicté par l’instinct ; c’est une forme que prend la peur irraisonnée (de l’autre, de la situation, de tout) ; on ne le surmonte guère au quotidien que quand la colère l’emporte sur cette peur. Imaginons donc des mutants qui seraient spontanément rationnels sur ce point-là, qui ne pourraient entendre l’ordre qu’on veut leur donner que comme un conseil qu’ils suivraient ou non selon qu’ils le trouvent bon ou mauvais. Ils pourraient désobéir dans la peur et la méfiance spontanée envers le donneur d’ordre et n’auraient, en tout cas, jamais besoin de colère pour agir comme bon leur semble. Cela revient à imaginer une humanité moins soumise à l’instinct ‒ si on le desserre ici, on le desserre partout ‒ moins animale, en fait, ce qui va d’ailleurs dans la ligne à peine zigzagante de cette évolution qui nous a dotés d’un cortex associatif, et donc du langage et avec lui, de la capacité d’imaginer un monde différent… Pas meilleure pour autant, je me le suis dit tout de suite, pas même fondamentalement différente ; l’intérêt était d’imaginer les conséquences de cette différence-là avec toutes leurs ramifications.

J’ai passé l’été 2016 à tirer intérieurement le fil de mon idée : toutes les choses que collectivement on cesserait de faire, les conséquences que cela entraînerait, la désorganisation qui s’en suivrait… Cela m’évoquait toujours le titre d’une chanson de mon frère, Jean-Loup Holbart « La fin de la société (telle que nous la connaissons) ». La parenthèse m’inspirait. J’ai vu tout de suite un recueil de nouvelles thématique, à la fois panoramique et chronologique, explorant le monde des Indociles dans tous ses aspects, un peu à la manière de Chroniques martiennes de Bradbury ou, si vous préférez, des Robots d’Asimov. (Mon vrai modèle est Chroniques martiennes que j’ai lu à onze ou douze ans et qui m’a fait découvrir la science-fiction.) Les premières seraient apocalyptiques, puis on verrait se reconstruire une société différente, moins coercitive, plus insidieuse dans ses injonctions. J’ai pensé aussitôt à vingt-six nouvelles s’étendant sur plusieurs décennies, à un petit garçon présent dès le début qui serait sexagénaire à la fin. Et donc tout de suite aussi au retour des personnages parce que c’est ce que j’aime le plus chez les auteurs que je préfère. Chez Susan Howatch (que je recommande à tous ceux qui lisent l’anglais, car elle n’est pas traduite) ou Alison Lurie, mon plaisir est de retrouver ailleurs le personnage principal par qui on a vu le monde comme personnage secondaire mal connu et mal compris par d’autres, qui jettent un éclairage étonnant, décalé, à la fois sur ce qu’il ou elle devient plus tard (toujours moins simple que ce qu’on a pu imaginer à la fin du point de vue précédent) et sur ce qu’on peut percevoir de lui ou d’elle de l’extérieur.
Les quatre premières nouvelles du tome I, celles qui se passent en l’an zéro et décrivent l’étrange épidémie d’indocilité et les effondrements qu’elle implique, ont été écrites très vite, à l’automne 2016 ; j’en terminais une pour enchaîner avec la suivante. La cinquième, qui va jusqu’à l’an 1, permet de comprendre et d’expliquer scientifiquement la mutation et ce qu’elle implique, a été plus longue à mettre en place, et m’a menée jusqu’à la fin du printemps 2017.

À partir de là, le rythme s’est ralenti parce qu’on était dans un autre monde que je devais lui aussi inventer et me représenter avec le temps de le faire émerger et de le rendre cohérent. Depuis la fin du printemps 2017, j’ai entamé un mode de vie qui est toujours le mien aujourd’hui.

Chaque nouvelle finie s’apparente à une mini dépression. Je me sens vide. Les premiers jours, je n’arrive pas à faire mon deuil de l’histoire et des personnages, je ne peux penser à rien d’autre. Suit une période plus ou moins longue dans laquelle je me replonge dans la vie réelle en laissant le recueil de côté. Puis, la nouvelle suivante se met à m’habiter de plus en plus. Je note des idées. Je fais les recherches dont j’ai besoin pour imaginer le quotidien des personnages et les détails de l’histoire (la Ferme des mille vaches, la pêche en mer, les imprimantes 3D…) ; au passage, combien Internet en général et Wikipédia, Google Map et Google street view ont changé la vie des auteurs provinciaux ! Toutes les infos recueillies alimentent la machine à transformer qui tourne à plein régime dans mon esprit (« si donc un chalut c’est ça, si on l’accroche derrière une barque de pêche à voile… », etc.). Au bout de quelques semaines, j’en arrive à un plan détaillé : intrigue, point(s) de vue, scènes racontées avec dialogue au discours direct, ou évoquées plus brièvement. Puis, il faut commencer la rédaction ; c’est comme se jeter à l’eau. Les deux premières pages sont les plus difficiles ; les premiers jets partent souvent à la corbeille avant que je trouve le ton juste. Ensuite, pendant deux ou trois mois, c’est la période heureuse : à quelque vitesse que j’avance, je suis dedans. Il m’arrive parfois de modifier le plan pendant que j’écris, plus souvent de l’élaguer en découvrant avec surprise que ce que j’avais prévu se révèle déjà bien plus long que je le pensais, et qu’on peut se passer de telle ou telle scène. Il m’arrive aussi de me heurter en cours de route à une difficulté inattendue : par exemple, après avoir écrit le voyage en train des « Chamallows sauvages », je me suis interrompue huit jours avant de pouvoir me représenter les rues de Toulon en l’an 5 et pendant ces huit jours, j’ai dû clarifier pour moi bien des aspects du mode de vie pendant les années de chaos. J’avance enfin vers une dernière phrase, une formule finale que j’ai souvent déjà en tête ; si les débuts sont laborieux, à la fin je me sens inspirée, presque portée. Je termine alors dans une sorte de fièvre avec à la fois envie et peur d’avoir fini, en rêvant du moment où je pourrai lire la nouvelle d’une traite et voir l’effet qu’elle produit…mais ce moment n’arrive jamais, même quand je la lis d’une traite, je la connais trop, je n’en suis pas détachée, et il ne reste plus qu’à revenir aux lignes qui précèdent.

À quelque stade que j’en sois de ce processus, j’ai appris surtout depuis huit ans à vivre dans deux mondes à la fois, l’un que je subis, comme vous tous, l’autre que je crée continûment. Je n’arrive plus à me représenter comment je pourrais supporter le monde réel avec son mythe de la croissance, son dérèglement climatique, ses guerres qui se rapprochent de nous, sans le refuge constant dans celui des Indociles avec son choc inattendu de décroissance, sa population qui diminue, ses problèmes autres et dépaysants. Les lecteurs y sont reçus comme des touristes, mais personne ne peut l’habiter comme moi, autant à ma manière que mes personnages. Ne vous y trompez pas : je vous plains tous…

Isabelle Cani et sa famille.

Comment j’ai publié le tome I et pourquoi je fais ce site

Une étape distincte a eu lieu cependant au début de l’année 2019. J’avais écrit neuf textes plutôt longs, la fin du dernier revenait sur le sujet du premier : le petit Jason et ses voyages. Plutôt que faire un seul recueil de vingt-six nouvelles, pourquoi ne pas en prévoir une de plus, faire une trilogie de trois fois neuf nouvelles ?

Je n’avais pas songé jusque-là à une publication, échaudée par de nombreuses tentatives passées, pour des romans auxquels je croyais beaucoup, qui avaient toutes abouti aux lettres de refus standard, du type « n’entre pas dans le cadre de nos collections ». Poussée par mon entourage et en particulier par mon compagnon, j’ai décidé de faire une ultime tentative, mais en refusant cette fois d’envoyer un tapuscrit par la poste à je ne sais quel service anonyme. J’ai fait ce qui m’avait si bien réussi en 2007 pour Harry Potter ou l’anti Peter Pan (accepté avec enthousiasme par Fayard qui m’avait versé un bel à-valoir, et en avait vendu avec succès les droits pour traduction à des éditeurs italien et brésilien). J’ai commencé par rédiger une lettre-type présentant mon recueil et mon projet de trilogie. Puis, pendant deux semaines entières de mai 2019, j’ai épluché les maisons d’édition sur Internet par ordre alphabétique, de éditions Ab… à éditions Zy… J’allais sur le site de chacune, dès que la ligne éditoriale me paraissait compatible avec les Indociles, je cherchais « contacts » et relevais les adrels quand il y en avait. Pendant ces jours-là, j’ai découvert les maisons les plus étranges : celle consacrée uniquement aux histoires de fantômes de l’Antiquité à nos jours, celle réservée aux romans sur l’adolescence destinés aux adultes (je regrette de ne pas avoir noté les noms de ces deux-là !), celles, plus nombreuses, qui sont juste créées pour éditer un auteur, que ce soit par un de ses proches ou par lui-même publiant sous un pseudo… Et j’ai compris beaucoup de choses sur le fonctionnement de l’édition. J’ai compris que les petites maisons obscures sont à la fois les plus accessibles et les plus rapidement submergées par les tapuscrits qu’elles n’ont pas le temps de lire, j’ai compris le sens de la phrase « les soumissions sont fermées », j’ai compris l’intérêt et la fragilité d’une maison indépendante, et constaté le regroupement des autres dans des grands groupes où les directeurs s’échangent en cours de carrière, quand ils ne changent pas carrément de groupe et d’employeur. J’ai enfin compris que ce qu’on raconte toujours de l’auteur qui a vingt-neuf lettres de refus avant d’être accepté par un trentième éditeur pouvait être littéralement vrai, vu les énormes risques de refus par saturation et les ilots persistant d’ouverture.

Au final, après plusieurs atermoiements qui m’ont menée en septembre 2019, j’avais listé vingt éditeurs en quatre catégories : SF, écolos engagés, grandes maisons célèbres, petits éditeurs généralistes ; le vingtième nom de cette liste était L’Inventaire. J’ai envoyé à chacun une adaptation personnalisée de ma lettre-type. La SF m’a snobée, les adeptes de la décroissance ont dû trouver mon propos pas assez militant. Trois des grands éditeurs employaient chacun un quidam qui s’est donné la peine de répondre qu’ils ne se prononçaient pas sur l’intérêt d’un sujet de livre et que je n’avais qu’à envoyer mon tapuscrit comme tout le monde, il serait lu (et refusé, mais ça ils ne l’ont pas précisé) en temps et en heure. Et le contact de L’Inventaire, Anne Coldefy-Faucard, a décroché aussitôt son téléphone pour m’appeler…

Dans les jours suivants, après un envoi immédiat par mail, de longues conversations téléphoniques, une signature expresse du contrat, les bouchons de champagne qui ont sauté à Volvic chez mon compagnon, j’ai achevé de découvrir ce que pouvait être un petit éditeur indépendant. L’Inventaire est une « maison » d’édition qui n’a pas de lieu, pas de bureau, pas d’employé, il y a juste une personne, Anne Coldefy, une petite femme nerveuse, autoritaire, qui fume comme un pompier et publie plusieurs fois l’an des livres qu’elle aime et auxquels elle croit, en menant « ses » auteurs à la baguette et en arrivant juste à rentrer dans ses frais. Elle m’a fait changer mon titre, le nom Indociles ayant déjà été pris, et m’a interdit de mentionner explicitement le Leclerc de la Pardieu ou Amazon pour ne pas avoir de problème avec des marques réelles ; je n’ai toujours pas compris le principe, mes surnoms étant les plus transparents possibles, et peut-être d’autant plus féroces qu’ils laissent entendre qu’il y aurait quelque chose à cacher, mais comme j’avais déjà tiré Omasanty de Monsanto, pourquoi pas continuer ? Pendant l’automne et l’hiver 2019, j’ai retravaillé le tome I selon ses directives : elle traquait à la fois les répétitions de mots, les clichés dans les images ou l’expression des émotions et tous les détails inutiles alourdissant l’intrigue : « La mort et l’Argonaute » et « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans » en particulier en sont sortis plus fermes et bien meilleurs.

Anne Coldefy avait soigneusement programmé la sortie de L’Ère des Indociles pour la mi-mars 2020, afin qu’on soit loin à la fois du salon du livre et de la rentrée littéraire, donc que les critiques aient un peu de disponibilité pour s’intéresser à la première œuvre de fiction d’une illustre inconnue, sortie chez un tout petit éditeur. Chez ma mère à Capbreton, dans les premiers jours de mars, ouvrant la caisse de mes exemplaires auteurs, j’étais euphorique ; comme Jean Dupont devenu justicier, je réalisais un rêve de gosse, le moment que j’avais attendu toute ma vie, depuis que j’avais été en âge de comprendre que les livres, que j’ai toujours aimés par-dessus tout, contenaient des histoires écrites par des gens. Peut-être n’avez-vous pas encore oublié la suite… Mon livre a eu le temps d’arriver sur les présentoirs des librairies et d’y rester deux jours pleins… puis toutes les librairies de France ont fermé pendant deux mois et demi, pour cause de pandémie et de confinement. Quand elles ont rouvert, les livres qui devaient sortir entre temps chez tous les autres éditeurs s’étaient accumulés ; il n’y a eu ni presse, ni radio, ni séance de signature en librairie, rien de rien, comme si cette édition n’avait été qu’un rêve. J’ai trouvé aussi plutôt amer et grinçant que les quelques personnes qui m’aient lue ensuite aient eu l’impression, dans ce contexte que je transposais la pandémie de covid, alors que tout avait été écrit avant, pour parler d’une pandémie en tous points opposée, puisqu’elle n’aboutit certainement pas à se faire réclamer des autorisations de sortie ou se voir interdire de marcher sur une plage.

L’Inventaire ne s’était pas officiellement engagé à publier les deux tomes suivants, mais il avait toujours été clair avec Anne Coldefy que je devrais les écrire le plus vite possible pour ne pas laisser retomber l’intérêt des lecteurs du tome I, et bien entendu, que dès que j’aurais fini le tome II, je devrais le lui dire aussitôt. Or, dans les mois suivants, la vitesse n’a pas été au rendez-vous. Il m’a d’abord fallu du temps pour être capable de continuer sans aucune reconnaissance liée à la publication du livre. Puis, quand je me suis mise au tome II, tout ce que j’ai décrit plus haut sur la lenteur nécessaire est devenu plus vrai encore. De plus en plus, je me sens être dans un roman-fresque global où les nouvelles seraient des chapitres très éclatés et disjoints. Pour passer de l’un à l’autre, il faut à la fois déplacer le curseur du point de vue géographique, chronologique, social (les artistes de rue, le monde politique…) et humain, savoir quels personnages on va aller retrouver, desquels on entendra parler sans les voir. C’est long à mettre en place, il y a des hésitations et des repentirs. Par exemple, j’ai écrit deux versions entièrement achevées de ce qui est devenu ensuite « La béatification de sainte Sibylle » avant d’en être satisfaite.

Les mois ont passé dans l’écriture avec cependant un malaise grandissant lié à ma relation avec L’Inventaire. Connaissant Anne Coldefy, la paix royale qu’elle me laissait était mauvais signe ; je m’attendais à être harcelée plutôt trois ou quatre fois qu’une pour savoir quand j’aurais enfin fini. Je savais en outre que ce que j’écrivais allait poser problème. Déjà, le tome II est plus long que le tome I et elle m’avait bien expliqué en 2020 que quelques pages en plus, cela fait un « cahier » supplémentaire et que cela augmente donc nécessairement le prix de vente, qui peut vite devenir inabordable. Enfin, à la fin du tome II, j’atteins à peine l’an 17 de l’ère des Indociles ; pour arriver aux alentours de l’an 60, il faut au minimum que je transforme la trilogie initialement prévue en tétralogie, et là, je ne l’imaginais pas enthousiaste…

À la fin mai 2022, après ce qui s’est révélé être la première version de la future « Béatification de sainte Sibylle », je tenais le tome II pour achevé et j’ai contacté Anne Coldefy pour lui dire que je pouvais le lui envoyer quand elle le souhaitait : silence de mort. J’ai changé une première fois ma fin, je l’ai relancée : toujours rien. J’ai commencé le tome III (par un premier récit que vous ne trouverez pas sur ce site tant que je n’aurai pas un ensemble avec les huit suivants), je suis revenue une troisième fois sur ma dernière nouvelle, récrite dans sa forme actuelle… L’Inventaire poursuit pendant ce temps son propre programme de publication dont je ne suis plus. Je me sens donc en droit de considérer que la séparation est actée : je n’ai jamais touché de droits d’auteur pour les quelques exemplaires vendus du tome I (je n’ai pas eu de décompte pour savoir combien avaient pu être vendus dans ce contexte), et le tome II a été implicitement refusé sans être lu. Cela dit, L’Ère des indociles n’a pas été pilonné ; ceux d’entre vous qui préfèrent lire en version papier et reliée peuvent se le procurer ; le texte est pratiquement le même, j’ai juste amélioré sur le site quelques paroles des raps de Faux Prophète et changé le titre de la nouvelle VI.

Après cette parenthèse de l’édition qui aura donc consisté à me permettre de vivre un rêve d’enfant pour pouvoir enfin l’enterrer et passer à autre chose, je suis alors revenue à ce qui était, de fait, mon premier projet : la création d’un site dédié aux Indociles. J’ai attendu encore un peu que mon frère Antoine Cani finisse sa formation de développeur-web et lance son entreprise, pour pouvoir être sa première cliente, et bien m’en a pris. Malgré sa propension certaine à m’envoyer des mails dans un langage geek incompréhensible, Antoine a été un interlocuteur complice, vraiment entré dans mon projet, qui a fait bien plus qu’un travail technique pour rendre mon texte accessible sur Internet. Nous avons pensé à deux tout le site : dessins commandés à Coline Lebeau pour illustrer les deux tomes et photos pour égayer les nouvelles, bios des personnages pour rafraîchir la mémoire des lecteurs qui le souhaitent, « Chronologie de l’ère des Indociles » et points sur l’actualité correspondant à des dates (cela, c’est même à 100 % une idée d’Antoine, même si le choix et la rédaction des articles sont de moi).

Le résultat est paradoxal. Comme lectrice, je suis moi-même attachée au papier et aux reliures, et publier un livre donne une impression de réussite officielle que ne donne pas l’ouverture d’un site, certes ! Mais en réalité, le contenu de ce site correspond bien mieux à ce qu’est pour moi le monde des Indociles que la trilogie élégante qu’aurait dû publier l’Inventaire, avec ses quatrièmes de couverture intellectuelles, qui n’auraient pas visé un public d’amateurs de SF. J’aime bien mieux les présentations d’Ariane et de Maxime. Je me suis amusée en puisant dans mes propres photos pour illustrer mes nouvelles de façon symbolique ou métaphorique. Je suis heureuse d’avoir pu retrouver mon titre, les Indociles, d’avoir pu intégrer une chronologie et ces unes de journaux, de n’être plus limitée en nombre de pages. J’ai l’impression d’avoir à mon tour avalé la mixture et gagné une liberté inattendue ! Enfin et surtout, la possibilité de cliquer sur une nouvelle à partir d’une présentation de son contenu, de disposer alors de points biographiques sur les personnages et d’un aperçu sur l’actualité du temps, permet d’ouvrir à deux types de lecture distincts : on peut lire dans l’ordre comme un roman-fresque, ou piocher dans les nouvelles selon ses goûts, en les prenant comme des histoires séparées. Donc je suis libre, et vous êtes libres aussi ! Lisez comme vous voulez et n’hésitez pas à poser des questions sur ce monde (ou, d’ailleurs, sur les réactions des personnages) : tout a une raison d’être même si je n’explique pas tout.

Je peux vous annoncer d’ores et déjà qu’il y aura à l’avenir un tome III, La Transformation, et un tome IV, Le Remplacement.

 

Isabelle Cani.

Remerciements...

Mes remerciements vont d’abord aux lecteurs de mon entourage qui m’ont constamment soutenue et donné envie de continuer, à commencer par les plus anciennes et les plus fidèles, ma sœur Anne Cani et ma fille aînée Myriam-Ève Wanegffelen. Un remerciement particulier de ce point de vue à Max et Magali Mundel qui, dans la perspective d’une publication par L’Inventaire, ont accepté sans me connaître la tâche de testeurs objectifs du tome II.

Voici à présent, dans l’ordre des nouvelles, ceux qui ont participé à leur manière à leur donner leur forme actuelle.

Mon fils, Jean-David Wanegffelen, a choisi pour moi les surnoms des surveillants et des prisonniers du « Fil d’Ariane ». Max, déjà cité, m’a dit que l’abréviation strasbourgeoise du lycée des Pontonniers est les Pontoches, ce qui donne une touche plus authentique à « L’heure allemande ». Mon compagnon Henri Cayla m’a aidée dans le repérage des anses de Locmaria et fourni les explications nécessaires sur la navigation à voile, le ber, la rampe, la godille, etc. pour « Promenade à vos risques et périls ». Mon collègue d’informatique au lycée La Fayette Kévin Viard et sa femme Constance ont créé pour moi un programme calculant l’évolution de la population française à partir du taux de natalité que j’indiquais, juste pour me permettre de donner dans « Le plébiscite du 31 juin » des chiffres réalistes. Simone Holbart, ma mère, qui a grandi en Tunisie, m’a conseillée dans les réactions de l’imam Hassoum lorsqu’il découvre dans sa grange Djamila et Rokkahya, dans « D’herbe verte et d’eau braque ». Ma sœur Marie-Paule Cani, chercheuse en informatique et professeure à l’X, a mis beaucoup de pédagogie à m’expliquer le fonctionnement de l’intelligence artificielle pour me permettre d’imaginer l’intrigue de « Confluences en fin d’Oise ».

Enfin, ma sœur Anne, déjà citée, a eu l’idée, d’abord pour la couverture de L’Ère des indociles, d’une adaptation de la fresque de l’évolution qui aboutirait au mutant. Ma nièce Coline Lebeau a réalisé trois fois cette idée, et jamais si bien que pour le site, version Surgissement et version Confrontation : vous pouvez comparer avec la photo de 2020 où vous apercevez la couverture du livre pour voir comme elle a progressé en dessin depuis !

Un très grand merci à eux tous.

Le tome I était dédié, déjà dans sa version publiée :

À la mémoire de mon frère Jean-Loup, cette « fin de la société telle que nous la connaissons. »
Pour Gabrielle qui l’avait chantée. Pour tous les survivants et les vivants.

Il ne reste plus alors qu’à dédier le tome II :

À la mémoire de Francis et de Philippe, ces lecteurs si attentifs du tome I.
Pour Claire, Babeth, Marie-Anne, pour tout le clan Cayla, économiste atterré et amoureux de la terre, et, plus que jamais, pour les vivants.